Bataille à Seattle : ils rêvaient d’un autre monde

Bataille à Seattle : ils rêvaient d’un autre monde

A l’heure où la commémorationnite de mai 68 atteint son apogée, au risque de l’overdose, on pourra s’étonner de l’indifférence qui semble accueillir Bataille à Seattle de Stuart Townsend, relatant les manifestations anti-mondialisation qui perturbèrent le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce en septembre 1999. Du joli mai qui enflamma le Quartier Latin aux cinq jours d’émeutes qui secouèrent Seattle, se posent en effet, à près de trente ans de distance, les mêmes questions (sur la place de l’idéal en politique, sur la question de la violence), se reformulent les mêmes enjeux (l’irruption de mouvements alternatifs à côté des organisations instituées comme les syndicats, l’intensité plus ou moins forte de la répression policière, l’importance des médias)… L’anti-(devenu alter depuis) mondialisme des années 00 serait-il à ce point passé de mode tandis que l’on célèbre l’actualité de 68 ? On mettra au crédit de Bataille à Seattle son efficacité visuelle et narrative, ainsi que sa ferme volonté pédagogique. Le jeune réalisateur Stuart Townsend fait preuve d’une maîtrise incontestable dans la mise en scène des mouvements collectifs et des affrontements de rue entre police et manifestants. Par des choix de mise en scène souvent ingénieux et l’utilisation judicieuse des images d’archive, sa reconstitution n’en paraît pas une, et parvient à recréer l’effervescence de l’événement en train d’advenir, la fébrilité et l’urgence de l’instant. Surtout, le film prend un grand soin à replacer les événements qu’il dépeint dans leur contexte géo-économique, et à resituer les enjeux que représentait le sommet de l’O.M.C., notamment via une très pédagogique présentation liminaire (voir ce dossier de la Documentation Française sur l’OMC et cette page sur l’échec de Seattle). Il ne se contente d'aileurs pas de filmer la cinégénique bataille qui se déroule dans le rues de Seattle, il parcourt aussi les travées du théâtre où se déroulait tant bien que mal le sommet.Là ou en revanche Bataille à Seattle échoue, c’est sur le plan de la fiction : chargés (selon le principe du film "choral") d’offrir une multiplicité de points de vue sur l’événement, ses personnages ne dépassent que rarement leur rôle de porte-parole ; quand c'est le cas, c'est hélas pour tomber dans le cliché (l’activiste traumatisé par la mort de son frère), ce que n’arrangent pas des péripéties cousues de fil blanc (le CRS — indirectement — victime de la violence policière, la journaliste qui prend fait et cause pour les manifestants). La dimension réflexive et pédagogique du film disparaît alors derrière l'ode au courage et à l’ingéniosité des militants altermondialistes…Il serait dommage toutefois de disqualifier un film dont l'énergie et l'enthousiasme devraient galvaniser nos élèves. Bataille à Seattle permet en effet d'aborder de manière vivante le sujet de la mondialisation et de sa contestation. C'est l'occasion aussi, pourquoi pas, de montrer que les bons sentiments font parfois du mauvais cinéma.

[Bataille à Seattle de Stuart Townsend. 2007. Durée : 1 h 40. Distribution : Metropolitan Filmexport. Sortie le 7 mai 2008]

A l’heure où la commémorationnite de mai 68 atteint son apogée, au risque de l’overdose, on pourra s’étonner de l’indifférence qui semble accueillir Bataille à Seattle de Stuart Townsend, relatant les manifestations anti-mondialisation qui perturbèrent le sommet de l’Organisation Mondiale du Commerce en septembre 1999. Du joli mai qui enflamma le Quartier Latin aux cinq jours d’émeutes qui secouèrent Seattle, se posent en effet, à près de trente ans de distance, les mêmes questions (sur la place de l’idéal en politique, sur la question de la violence), se reformulent les mêmes enjeux (l’irruption de mouvements alternatifs à côté des organisations instituées comme les syndicats, l’intensité plus ou moins forte de la répression policière, l’importance des médias)… L’anti-(devenu alter depuis) mondialisme des années 00 serait-il à ce point passé de mode tandis que l’on célèbre l’actualité de 68 ? On mettra au crédit de Bataille à Seattle son efficacité visuelle et narrative, ainsi que sa ferme volonté pédagogique. Le jeune réalisateur Stuart Townsend fait preuve d’une maîtrise incontestable dans la mise en scène des mouvements collectifs et des affrontements de rue entre police et manifestants. Par des choix de mise en scène souvent ingénieux et l’utilisation judicieuse des images d’archive, sa reconstitution n’en paraît pas une, et parvient à recréer l’effervescence de l’événement en train d’advenir, la fébrilité et l’urgence de l’instant. Surtout, le film prend un grand soin à replacer les événements qu’il dépeint dans leur contexte géo-économique, et à resituer les enjeux que représentait le sommet de l’O.M.C., notamment via une très pédagogique présentation liminaire (voir ce dossier de la Documentation Française sur l’OMC et cette page sur l’échec de Seattle). Il ne se contente d'aileurs pas de filmer la cinégénique bataille qui se déroule dans le rues de Seattle, il parcourt aussi les travées du théâtre où se déroulait tant bien que mal le sommet.Là ou en revanche Bataille à Seattle échoue, c’est sur le plan de la fiction : chargés (selon le principe du film "choral") d’offrir une multiplicité de points de vue sur l’événement, ses personnages ne dépassent que rarement leur rôle de porte-parole ; quand c'est le cas, c'est hélas pour tomber dans le cliché (l’activiste traumatisé par la mort de son frère), ce que n’arrangent pas des péripéties cousues de fil blanc (le CRS — indirectement — victime de la violence policière, la journaliste qui prend fait et cause pour les manifestants). La dimension réflexive et pédagogique du film disparaît alors derrière l'ode au courage et à l’ingéniosité des militants altermondialistes…Il serait dommage toutefois de disqualifier un film dont l'énergie et l'enthousiasme devraient galvaniser nos élèves. Bataille à Seattle permet en effet d'aborder de manière vivante le sujet de la mondialisation et de sa contestation. C'est l'occasion aussi, pourquoi pas, de montrer que les bons sentiments font parfois du mauvais cinéma.

[Bataille à Seattle de Stuart Townsend. 2007. Durée : 1 h 40. Distribution : Metropolitan Filmexport. Sortie le 7 mai 2008]